JRP2021 : les pharmaciens face à leurs responsabilités !

Le 5 octobre prochain, Polepharma et le Conseil Central B de l’Ordre des
Pharmaciens donnent rendez-vous aux pharmaciens impliqués dans la
production et la distribution des médicaments pour une journée
d’information et d’échanges sur les responsabilités pharmaceutiques. Il s’agit d’une véritable première en la matière, qui prendra place dans les palais de l’Hôtel de Ville de Tours (Indre-et-Loire).

Avec un double objectif sous l’égide des instances ordinales: apporter un éclairage nouveau sur les responsabilités pharmaceutiques, mais aussi dresser les perspectives d’évolution des différents métiers, dont celui angulaire de pharmacien responsable, dans un monde industriel qui devient plus complexe, interdépendant et global.
En « fil rouge » sur la journée, Frédéric Bassi, pharmacien responsable, et Président du Conseil Central B de l’Ordre des Pharmaciens, interviendra
comme garant des positions ordinales et co-animateur avec Robin Monzat, Responsable des Affaires Pharmaceutiques chez Polepharma, sur des sujets forts d’actualité. En voici un premier aperçu au travers de quelques questions !

Pourquoi avoir accepté de participer à la Journée des Responsabilités
Pharmaceutiques organisée par Polepharma ?

Le bureau de la Section B de l’Ordre des pharmaciens, représentant les industriels, souhaite depuis longtemps se rapprocher des industriels fabricants pour apporter la vision ordinale de la responsabilité pharmaceutique. Ceux-ci expriment des besoins réels d’accompagnement par exemple sur la libération des lots ou les exigences de production au niveau des sites, notamment avec l’arrivé des biotechnologies. Leur demande est en ligne avec la stratégie actuelle de revaloriser les sites « France » et « Europe » dans le cadre de la souveraineté sanitaire et industrielle. Le moment est donc propice dans l’Hexagone pour souligner l’excellence, la compétence et le dévouement de tous les pharmaciens industriels, qui participent au développement de la productivité et de l’excellence opérationnelle en
production. La tendance se nourrit d’un mouvement de fond au sein des pharmaciens, depuis quelques années, de rejoindre l’industrie. Participer à cette journée s’inscrit dans cette dynamique et va permettre de nous rapprocher, d’être plus à l’écoute des besoins et des ressentis, d’expliquer comment nous travaillons au niveau ordinal avec les autorités (notamment l’ANSM) et le ministère (la DGS) sur la façon de proposer un cadre de travail commun pour les organisations en France et en Europe, ainsi que de valoriser l’intérêt du pharmacien responsable dans ce contexte en profonde mutation.

A qui s’adresse cette journée d’information et d’échanges ?

L’événement vise à rassembler largement les pharmaciens qui travaillent dans l’industrie, comprenant les fabricants, les importateurs et les exploitants qui commercialisent les médicaments. Aujourd’hui, cette section B que je préside compte 4100 pharmaciens industriels. Il y a 10 ans, nous étions 3500. Nous sommes très fiers de voir de plus en plus de pharmaciens rejoindre nos rangs, en particulier en fabrication. Nous sommes la section la plus jeune de l’Ordre des pharmaciens: la moyenne d’âge est de 42 ans. En parallèle, la Section C présidée par Laure Brenas, rassemble 1500 pharmaciens travaillant dans la distribution de gros (logistique, transport, …). Une majorité de pharmaciens sont inscrits aux
deux sections et de nombreuses passerelles existent entre B et C. Ce premier événement organisé avec Polepharma s’adresse donc autant aux pharmaciens industriels que de la distribution pour faire ensemble une mise au point sur leurs responsabilités pharmaceutiques. Nous allons axer les débats sur les véritables enjeux et défis qu’ils auront
à surmonter, et tenter de clarifier leur futur rôle dans l’industrie de demain.

Comment avez-vous organisé le programme avec Polepharma ?

Nous avons travaillé avec la communauté de pharmaciens responsables de Polepharma, pilotée par Robin Monzat, pour dresser un programme au travers de 5 conférences, au plus proche des sujets d’actualité, en lien avec l’exercice professionnel des pharmaciens industriels. Nous commencerons par rappeler les fondamentaux, c’est-à-dire les aspects juridiques de notre profession en fonction de la spécificité des établissements (sites de fabrication, de distribution, …). Nous bénéficierons de l’éclairage de l’avocat Thomas Devred, spécialiste du domaine pharmaceutique, qui défend des entreprises et pharmaciens lors de procédures pénales. Les quatre conférences suivantes apporteront des éléments structurants, en intégrant les leçons tirées de la période Covid-19. Les interventions vont notamment porter sur la présence pharmaceutique et l’exercice de responsabilité à distance (l’Ordre travaille sur le sujet des actes pharmaceutiques pour un document qui sera disponible en fin d’année) ; l’évolution du rôle du pharmacien responsable en rappelant son positionnement hiérarchique au sein de l’entreprise et l’intérêt de notre modèle français en Europe ; et enfin, un focus sur la nouvelle Annexe 16 des Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF) avec les premières recommandations communautaires.

Quel sera, selon vous, le thème fort de la journée ?

Le cœur du sujet va porter sur le rôle et l’importance prise par le pharmacien responsable, qui est une spécificité française, avec une position statutaire qui couvre des responsabilités plus larges que celles des « personnes qualifiées » de l’Union Européenne (qui ne sont pas forcément pharmaciens mais également biologistes, chimistes, etc.). En France, le pharmacien responsable tient une place privilégiée dans les organisations pharmaceutiques. Même si les actes de validation et de certification sont effectués par délégation, il cumule de nombreuses responsabilités comme la libération des lots jusqu’à la signature des demandes d’Autorisations de Mise sur le Marché (AMM), et demeure l’interlocuteur privilégié des autorités compétentes. Il est ainsi le garant du Respect du Code de Santé Publique (CSP) au sein de l’entreprise et de la sécurité du médicament. 

Pour bien comprendre l’évolution de son rôle en Europe, nous avons lancé une réflexion et des groupes de travail au sein de l’Ordre des pharmaciens. Avec l’aide de notre présidente Carine Wolf-Thal, des communications ont également été adressées auprès de l’ANSM et de la DGS, ainsi que des représentants et députés de la Commission Européenne. Notre objectif ? Expliquer l’intérêt, pour les autorités, d’avoir un pharmacien responsable au sein des entreprises, fabricantes ou exploitantes, qui soit un point unique de contact (Single Point of Contact) afin de gérer efficacement les problématiques de production et de distribution pour garantir la continuité des approvisionnements. Ce rôle pivot s’est particulièrement démontré dans la gestion de la crise Covid-19. Durant cette période intense pour tous les pharmaciens, l’Ordre avait ouvert une ligne collaborative (FAQ) pour permettre à tous les pharmaciens responsables d’échanger et de relayer les questions auprès de l’ANSM et de la DGS. Les pharmaciens responsables ont pu tisser des relations privilégiées, fondées sur la consultation et la complémentarité, que nous entretenons.

 

Du côté de l’industrie, quels sont les témoignages à mettre en avant ?

Nous aurons une table-ronde sur le positionnement hiérarchique de mandataire du pharmacien responsable au sein de l’entreprise, faisant intervenir Sylvain Accarie, pharmacien responsable chez Novo Nordisk, et Denis Rousseau, pharmacien responsable chez Bailly-Creat. C’est un sujet fortement d’actualité qui préoccupe à la fois l’Ordre des Pharmaciens et l’ANSM, qui ont constaté qu’à certains moments historiques, le pharmacien responsable, n’était pas en position hiérarchique de prendre ses décisions dans la plénitude de son indépendance. C’est pourtant un principe essentiel qui a été rappelé lors de multiples inspections. Cela a donné lieu, il y a cinq ans, à la diffusion d’un courrier commun, co-signé par les sections B et C, ainsi que le directeur général de l’ANSM, pour rappeler ses rôles et responsabilités pharmaceutiques. Cette communication a toujours autant de poids aujourd’hui, du fait de la grande complexité du monde de la production pharmaceutique. Et c’est un point de vigilance de l’Ordre : le pharmacien responsable doit être suffisamment informé pour prendre sa décision en toute connaissance de cause, mais aussi intégré dans la prise de décision de l’entreprise pour le territoire national. En cas de désaccord, il est tenu d’informer le directeur général de l’ANSM, qui déclenche immédiatement une inspection. C’est un « lanceur d’alerte », avant même que cette notion n’entre dans le droit français. En outre, la dernière conférence de la journée va porter sur la nouvelle Annexe 16 des BPF visant la libération des lots par le pharmacien responsable, qui endosse au final la responsabilité de la qualité du médicament sur le marché. Un sujet sur lequel nous
travaillons avec la communauté des pharmaciens de Polepharma. Deux pharmaciens assurance qualité viendront témoigner de l’avancée des travaux: Amélie Boitel, chez Aspen et Virginie Serandour, pour Novo Nordisk. Nous sommes dans l’attente des premières recommandations communautaires. Nous interviendrons au niveau ordinal dans le cas d’une réécriture ou discussion des BPF avec l’ANSM.

Quelles sont vos ambitions pour cette première ?

Nous souhaitons réunir une vaste audience pour cette première journée, qui ouvre la possibilité pour mon second mandat à l’Ordre des Pharmaciens, d’atteindre un objectif qui a pris un an et demi de retard avec la crise Covid-19 : aller à la rencontre des pharmaciens
dans les régions. Il était important pour nous de se rapprocher d’organisations professionnelles telles que Polepharma, le premier cluster européen de médicaments à l’intersection des régions Centre – Val de Loire, Ile-de-France et Normandie, et d’en devenir un interlocuteur privilégié. Cet événement organisé ensemble doit donc être un succès et permettre de lancer une nouvelle dynamique dans l’après-crise auprès des pharmaciens de l’industrie. C’est aussi une opération complémentaire à l’objectif rempli lors de mon premier mandat, auprès des 24 universités du territoire, qui était d’expliquer la responsabilité pharmaceutique aux étudiants de 4 e et 5 e année avec le témoignage de personnes en poste.

Avec, à chaque fois, un gros succès auprès des étudiants, le besoin de valoriser la profession de pharmacien et, aujourd’hui, la nécessité plus que jamais de recréer une unité et une cohésion.

Comment voyez-vous évoluer votre partenariat avec Polepharma ?

C’est un partenariat qui va durer ! Nous allons continuer de construire ensemble au travers de nos échanges et de groupes de travail. Les sujets ne manquent pas : le rôle du pharmacien responsable en Europe, le renouvellement de l’Annexe 16 (BPF), le problème récurrent des ruptures, ….

Avez-vous un message pour la nouvelle génération de pharmaciens qui
rejoignent l’industrie ?

Ce que je souhaite est que l’on continue à tirer vers le haut les compétences et à développer les soft skills au sein des entreprises : esprit de synthèse, d’ouverture, de curiosité, etc. On parle aujourd’hui d’immunothérapie, de CAR-T cells, de génie génétique, … qui traduisent les progrès considérables opérés par les sciences du vivant sur quantité de fronts, mais aussi la complexité croissante des produits et technologies. Les pharmaciens doivent être en capacité de fabriquer et distribuer ces médicaments de thérapie innovante, mais aussi d’évoluer dans le monde globalisé d’aujourd’hui au sein de groupes internationaux. Il ne faut donc pas avoir peur du futur qui s’annonce extraordinaire ! Et depuis 35 ans que je suis dans l’industrie pharmaceutique, c’est la première fois que nous assistons à une réelle prise de conscience de la part du gouvernement, qui a reconnu la santé comme un domaine stratégique en France et en Europe. C’est une avancée très positive avec de nouvelles opportunités à saisir ! La bonne nouvelle est que nous avons les personnes compétentes pour le faire : la nouvelle génération de pharmaciens souvent dotés d’une double formation
issue des universités ou d’écoles d’ingénieurs, est prête à prendre à bras le corps les nouveaux défis qui l’attendent !

Propos recueillis par Marion Baschet Vernet

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