Rencontre avec Didier Véron, Président du G5 Santé, Président du Congrès France Bioproduction les 15 et 16 avril 2026 à Tours
Le Congrès France Bioproduction, présidée par Didier Véron, Président du G5 Santé, fête cette année ses 10 ans, les 15 et 16 avril 2026 au Palais des Congrès de Tours.
« Le 10ème Congrès France Bioproduction, point de départ d’une nouvelle ambition collective ! »
Dix ans déjà ! Le Congrès France Bioproduction, coorganisé par Medicen et Polepharma, fête cette année une décennie d’échanges, d’innovations et de coopérations au service d’une ambition commune : faire de la France un leader mondial de la bioproduction.
Cette édition anniversaire, qui aura lieu les 15 et 16 avril 2026 au Palais des Congrès de Tours, sera présidée par Didier Véron, Président du G5 Santé. C’est un symbole fort de la mobilisation des grands acteurs industriels français autour d’un même objectif : renforcer la souveraineté et la compétitivité d’une filière stratégique pour la santé de demain.
Entre bilan, défis à relever et vision stratégique, Didier Véron revient sur la transformation du secteur et partage sa vision pour la décennie à venir.

Pour commencer, comment vous présenter en quelques mots ?
Je suis diplômé de Sciences Po Paris avec un DESS de Droit de la Santé. Depuis toujours, j’aime faire le lien entre santé, institutions et innovation. C’est ce qui m’a poussé à enseigner les industries de santé à Sciences Po, pour transmettre cette passion aux futurs dirigeants.
J’ai passé de nombreuses années chez Ipsen, l’un des membres fondateurs de Polepharma, avant de rejoindre le LFB en 2019 comme Vice-Président Exécutif en charge des Affaires Corporate et membre du Comité Exécutif. Le LFB est une entreprise biopharmaceutique française qui développe des médicaments issus du plasma ou de protéines recombinantes pour des maladies graves et souvent rares, et un acteur clé de notre souveraineté sanitaire.
Je préside aussi le G5 Santé, un cercle de réflexion qui réunit les dirigeants de huit grandes entreprises françaises : bioMérieux, Guerbet, Ipsen, Théa, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et le LFB. Ensemble, nous représentons en France 40 000 collaborateurs, 53 usines, plus de 30 centres de R&D, et des investissements annuels de 5 milliards d’euros en production et recherche sur le territoire national.
Notre conviction est simple : la France a tout pour redevenir un leader mondial des sciences de la vie.
Notre slogan au G5 Santé le résume bien : Choisir la France, soigner le monde.
En tant que Président du G5 Santé, vous représentez huit acteurs majeurs de la production française. Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter la présidence de cette édition anniversaire des 10 ans ?
J’ai accepté cette présidence parce que j’aime profondément la France et l’Europe, et je suis convaincu qu’elles doivent retrouver toute leur place sur la scène mondiale de la santé.
Je suis aussi un fidèle de Polepharma : j’étais présent en 2002 lors de son lancement à Dreux sur le site d’Ipsen, qui a assuré la première présidence de Polepharma. C’est donc à la fois un retour aux sources et la continuité d’un engagement de longue date.
Le G5 Santé, c’est un club de CEOs à vision mondiale. Nos échanges portent autant sur la R&D et la production, que la géopolitique : face à la concurrence des États-Unis et de la Chine, nous devons savoir où et comment se positionner. Cette 10ème édition s’inscrit pleinement dans cette perspective : replacer la France dans une dynamique européenne et mondiale.
Car, soyons lucides : la souveraineté se joue désormais à cette échelle. Et nos investissements futurs dépendront de l’attractivité de nos pays, de leur capacité à reconnaître, à valoriser et à rémunérer l’innovation.
Dans un contexte international exigeant, où les États-Unis pratiquent le zéro droit de douane lorsque l’on fabrique sur son sol et la Chine investit massivement dans les thérapies innovantes, il est crucial que les décideurs européens et français comprennent les enjeux réels du terrain. Le G5 Santé porte cette voix, celle des industriels confrontés chaque jour à la compétition mondiale.
Cette édition arrive donc à un moment clé pour réfléchir collectivement avec plus de 650 acteurs publics et privés - l’audience attendue - à renforcer notre souveraineté sanitaire et consolider notre leadership mondial.
Si vous deviez retracer en trois grandes étapes clés l’évolution de la bioproduction française sur la dernière décennie, lesquelles retiendriez-vous ?
Je retiendrais trois grandes étapes, qui suivent les évolutions mondiales, en gardant une empreinte bien française.
D’abord, la naissance de la bioproduction, dans les années 1940, avec la production de pénicilline à grande échelle, première révolution industrielle du médicament moderne.
Ensuite, l’ère des biotechnologies, à partir des années 1970, marquée par l’émergence des anticorps monoclonaux et des premières manipulations génétiques : la science commence à « produire du vivant pour soigner le vivant ».
Enfin, la décennie actuelle, portée par la révolution génétique et l’industrialisation des découvertes. Des avancées majeures, comme la technologie CRISPR-Cas9 développée par Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, récompensées par le prix Nobel de Chimie 2020, ont profondément transformé le paysage scientifique et industriel.
Cette révolution s’accompagne d’une prise de conscience nationale : la France a su mobiliser ses forces autour d’initiatives structurantes telles que le Grand Défi Biomédicaments et le Comité Stratégique de Filière Santé (CSF-ITS).
C’est dans cette dynamique que le Congrès France Bioproduction joue un rôle essentiel et majeur !
Justement, en quoi le Congrès France Bioproduction a-t-il contribué à structurer cette dynamique ?
Tout a commencé en 2016, à l’initiative de Polepharma et avec le soutien de la région Centre-Val de Loire. Le Congrès France Bioproduction voyait alors le jour, avec Medicen comme partenaire clé, dès la première édition. Cette collaboration s’est naturellement renforcée jusqu’à devenir une co-organisation à partir de la 5ᵉ édition. Au fil des années, le congrès s’est ainsi imposé comme le rendez-vous incontournable de la filière.
Pendant deux jours de conférences, tables rondes, ateliers pratiques et sessions de networking, chercheurs, industriels, entrepreneurs et institutions s’y retrouvent pour échanger, partager leurs expériences et bâtir ensemble l’avenir de la bioproduction française.
En dix ans, le congrès a accompagné toutes les grandes évolutions du secteur en fédérant de plus en plus de monde avec plus de 650 acteurs attendus en 2026 : la crise du Covid, qui a révélé l’urgence de la souveraineté sanitaire ; les décisions structurantes du CSIS 2021 ; la création de France BioLead en 2022 devenu l’interlocuteur privilégié de l’Agence de l’innovation en santé et de l’État ; ou encore l’intégration d’un important volet bioproduction dans France 2030.
Aujourd’hui, cet événement est bien plus qu’un lieu d’échanges : c’est un véritable catalyseur d’idées et de transformation pour la filière. Il fédère les énergies, fait dialoguer la recherche, l’industrie et les décideurs politiques, et incarne cette confiance collective indispensable pour faire de la bioproduction française un levier stratégique de souveraineté, d’innovation et de compétitivité pour la France.
Quels sont aujourd’hui les grands défis du secteur ?
Nous entrons dans une phase décisive, qui présente de nombreuses opportunités, mais aussi plusieurs défis majeurs.
Le premier, c’est l’accélération sur toute la chaîne de valeur : faire émerger davantage d’innovations issues de la recherche, fluidifier le passage du laboratoire à la production industrielle, garantir des standards de qualité élevés et renforcer notre capacité à produire sur le territoire national.
À cela s’ajoute un enjeu essentiel : former les talents qui feront la bioproduction de demain.
L’innovation ne concerne plus seulement les traitements, mais aussi les technologies de production, les procédés de contrôle qualité et l’intégration du numérique et de la donnée. Chaque maillon de la chaîne compte, et leur cohérence conditionne notre performance collective.
Un autre défi clé est celui de la compétitivité : il faut harmoniser les bonnes pratiques au niveau européen pour faciliter l’adoption des innovations et fluidifier la production à grande échelle.
Enfin, la durabilité est devenue un pilier central. Produire en France et en Europe, c’est aussi s’engager dans un cadre environnemental exigeant. Les entreprises du médicament se sont fixées des objectifs ambitieux : réduire de 50 % leurs émissions de CO₂ d’ici 2030 (scopes 1 et 2), diminuer de 25 % les émissions indirectes et limiter drastiquement les plastiques à usage unique, conformément à la loi AGEC.
Face à ces enjeux, comment le G5 Santé agit-il concrètement pour renforcer la souveraineté industrielle ?
La bioproduction est un levier clé de souveraineté. Le développement de la bioproduction en France avec des biomédicaments labellisés « fabriqué en France » doit avoir pour corollaires « le prix et l’achat souverains ». Le G5 Santé agit donc à deux niveaux : d’abord, en alertant les pouvoirs publics sur la nécessité d’intégrer le lieu de production dans la fixation des prix ; ensuite, en soutenant une politique industrielle claire, avec des investissements durables et une meilleure reconnaissance des produits fabriqués en France, notamment dans les appels d’offres hospitaliers.
L’objectif est simple : sécuriser l’accès aux médicaments essentiels et encourager les innovations dans l’Hexagone, en réduisant notre dépendance extérieure.
Le Congrès France Bioproduction est une vitrine idéale pour porter ces messages plus actuels que jamais. Après Olivier Laureau (Servier) en 2024 et Jacques Brom (LFB) en 2025, c’est un honneur d’en assurer la présidence pour cette édition symbolique.
Fidèle à son engagement d’ouverture et d’innovation,le Congrès France Bioproduction mettra à l’honneur plusieurs start-ups. Quel rôle jouent-elles dans la transformation du secteur ?
Un rôle déterminant. La bioproduction repose sur une chaîne d’innovation continue : de la recherche académique aux start-ups, puis aux grands groupes. Pour que tout cela fonctionne, il faut un véritable soutien industriel, et c’est le rôle des CDMO, ces partenaires qui accompagnent les jeunes biotechs du développement à la production.
On le voit concrètement encore dans l’actualité du secteur : Ipsen vient de racheter ImCheck, belle réussite de la FrenchTech, et le Paris Saclay Cancer Cluster, soutenu par Sanofi, Servier et France 2030, crée un écosystème sur mesure pour accélérer l’innovation en oncologie.
Ces collaborations permettent de transformer une idée en médicament, de sécuriser la production et surtout de garder la valeur en France.
C’est aussi une forme de solidarité industrielle : les grands groupes aident les plus jeunes à se développer et à s’internationaliser.
Les avancées technologiques et les améliorations dans le domaine de la bioproduction sont constantes, grâce aux start-up de la French Tech, qui permettent d’optimiser les processus, de réduire les coûts et d’accélérer la mise sur le marché des biomédicaments.
Le G5 Santé travaille ainsi main dans la main avec France Biotech, Polepharma et Medicen pour maintenir cet esprit de coopération, véritable ADN du congrès.
Medicen et Polepharma jouent un rôle clé dans la structuration de la filière. Comment le G5 Santé collabore-t-il avec ces deux pôles, et en quoi leur complémentarité permet-elle d’accélérer le développement et la compétitivité du secteur ?
Medicen, Polepharma et le G5 Santé sont trois acteurs parfaitement complémentaires.
Nous partageons une même ambition : soutenir la bioproduction en France dans un continuum avec la recherche publique française, renforcer la compétitivité de notre industrie biopharmaceutique et conforter la souveraineté sanitaire.
Le G5 Santé agit au niveau stratégique, en soutenant une politique industrielle forte : moratoire sur les baisses de prix des médicaments à fort enjeu d’indépendance sanitaire, adaptation des politiques d’achat hospitalier en favorisant la production locale, et meilleure prise en compte des enjeux industriels dans la fixation des prix.
Medicen, pôle de compétitivité francilien dédié à l’innovation en santé, fédère plus de 400 membres, start-ups, industriels, acteurs académiques, et joue un rôle de tiers de confiance entre le public et le privé. Il stimule la croissance du secteur, accélère la mise sur le marché des innovations et favorise la création d’emplois.
Polepharma, première coopération industrielle du médicament en Europe, s’appuie sur plus de vingt ans d’expérience avec 470 membres répartis sur le tout territoire national pour structurer et transformer la filière (bio)pharmaceutique française.
Ensemble, nous partageons une même boussole : renforcer la souveraineté sanitaire et la compétitivité française, en animant un écosystème cohérent allant de la big pharma jusqu’aux sites de production, en passant par les start-ups innovantes et les laboratoires académiques.
Au-delà des technologies, la réussite passe aussi par les femmes et les hommes du secteur. Comment accompagner cette transformation sur le plan humain, notamment en matière de recrutement, formation, montée en compétences ?
La bioproduction est une filière d’avenir, porteuse de sens, et qui offre une grande diversité de métiers et de carrières, du Bac+2 au doctorat. Pour réussir, il ne suffit pas d’avoir les bonnes technologies, il faut surtout miser sur les femmes et les hommes du secteur.
Les métiers y sont très techniques, à la croisée de la biologie, de la data et de l’analyse. On travaille sur des procédés vivants, stériles, qui évoluent vite : on passe de l’inox au single use, on miniaturise, on automatise … Et l’intelligence artificielle arrive en force pour fiabiliser les process et rendre les traitements innovants plus accessibles.
Le plan France 2030 a pris la mesure de l’enjeu en investissant massivement dans les biothérapies et la bioproduction. Et l’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et Métiers d’Avenir » a été lancé pour anticiper les besoins en talents et préparer les compétences de demain dans ces secteurs stratégiques.
Les entreprises aussi jouent le jeu, en formant sans cesse leurs équipes. Le vrai défi maintenant, c’est l’industrialisation. Il s’agit de former des opérateurs et techniciens, capables de produire, de maîtriser les procédés, la qualité, les technologies émergentes, la data et bientôt l’intelligence artificielle.
Des initiatives comme le Campus Biotech Digital, initié par bioMérieux, Sanofi, Servier et Novasep, montrent la voie. En travaillant main dans la main avec les écoles et organismes de référence comme l’ENSTBB, le Groupe IMT ou Sup’Biotech, il contribue à former les talents qui feront la bioproduction de demain.
Dans un contexte international très concurrentiel, où se situe la France sur l’échiquier mondial de la bioproduction, et comment consolider son leadership d’ici 2030 ?
En 2022, la France n’était encore qu’à la 4ᵉ place européenne : seuls 8 biomédicaments sur 76 autorisés en Europe étaient produits sur notre sol. C’était le signe d’une forte dépendance sur toute la chaîne de valeur. Mais la tendance s’inverse rapidement.
Entre 2018 et 2024, la capacité de bioproduction en France a bondi de 60 %, avec 2 milliards d’euros investis dans de nouveaux sites. Le LFB, par exemple, a lancé en 2023 un grand projet d’extension à Alès, soutenu par BPI France et France 2030, pour augmenter sa production de protéines recombinantes. C’est un investissement concret, qui met à disposition des biotechs et start-ups des outils industriels de pointe.
Aujourd’hui, avec 52 unités de production, dont 31 en sous-traitance, la France a comblé son retard et s’impose parmi les leaders européens.
L’objectif fixé pour 2030 par France BioLead est clair : produire 20 biomédicaments en France, créer 10 000 emplois, faire émerger une licorne, cinq ETI et doubler nos capacités industrielles. Et les résultats sont déjà tangibles : sur les 47 biomédicaments dont la substance active est fabriquée en France, on compte déjà 8 anticorps, 23 médicaments dérivés du sang, 4 thérapies issues du microbiote et 12 vaccins.
Pour consolider ce leadership face aux États-Unis et à la Chine, il faut poursuivre trois priorités : investir, former, et avoir une politique industrielle forte. Et, surtout, défendre une véritable préférence européenne dans la compétition mondiale.
Qu’attendez-vous de cette 10ème édition, qui s’annonce déjà mémorable pour la filière ?
Ce dixième congrès est bien plus qu’un anniversaire : c’est un tournant stratégique.
L’occasion de mesurer le chemin parcouru, mais surtout de préparer la feuille de route pour la prochaine décennie.
Bioproduire en France et en Europe n’est plus une option, c’est une nécessité pour garantir l’accès de tous aux traitements innovants. Cette ambition collective doit s’inscrire dans la durée : penser à 2040 et 2050, en travaillant avec le Commissariat au Plan et les pouvoirs publics, à une vision et une stratégie de long-terme capables de maintenir la France et l’Europe parmi les leaders mondiaux des sciences de la vie. Dans cette perspective, le Biotech Act européen, attendu pour 2026, jouera un rôle déterminant. Il s’intègre pleinement dans la stratégie européenne visant à faire de la biotechnologie l’un des piliers de l’autonomie industrielle et sanitaire de l’Europe.
Ce congrès doit être le point de départ d’une nouvelle ambition collective, celle d’une bioproduction souveraine, compétitive et durable, portée par une alliance renforcée entre industriels, chercheurs, institutions et territoires.
Enfin, une bonne raison de venir au Congrès France Bioproduction 2026 ?
Je dirais simplement : venez faire partie de l’aventure !
C’est en partageant nos idées, nos expériences et nos défis qu’on fait naître les solutions et innovations de demain.
La bioproduction, c’est un sport d’équipe : nous devons chasser en meute, faire briller la Team France à l’international et faire rayonner notre savoir-faire partout dans le monde.
Le Congrès France Bioproduction, c’est bien plus qu’un événement : c’est un accélérateur d’énergie collective. On y apprend énormément, on s’inspire les uns des autres et, surtout, on construit ensemble l’avenir de la bioproduction française.
Alors que vous soyez industriel, chercheur ou entrepreneur, rejoignez la Team France Bioproduction pour contribuer à la souveraineté et à la réussite collective de demain !
Propos recueillis par Marion Baschet Vernet
Contact :
Denis Marchand - Responsable R&D Innovation - Biomédicament - Bioproduction
denis.marchand@polepharma.com