Rencontre avec Jade Le Maître, Directrice Générale de Proxinnov, intervenante au Congrès Polepharma Industrie du Futur les 26 et 27 novembre à Chartres

 

« L’industrie 4.0, un enjeu stratégique, humain et d’image »

Les 27 et 28 novembre 2025, Chartres accueillera la 8ᵉ édition du Congrès Polepharma Industrie du Futur. Ce rendez-vous incontournable pour les acteurs de la transformation technologique de l’industrie pharmaceutique franchit un cap cette année, avec l’adhésion du réseau Proxinnov, fort de ses 200 entreprises expertes en robotique industrielle. Un congrès pas comme les autres : croiser les regards, casser les silos, sortir du 100% pharma pour s’inspirer d’autres secteurs, et imaginer ensemble les solutions de demain, notamment autour du laboratoire de Contrôle Qualité, thème central de cette édition. Entretien avec Jade Le Maître, directrice générale de Proxinnov, pour découvrir les coulisses de ce partenariat inédit et les temps forts à venir.

 

Comment vous présenter en quelques mots ?

Ingénieure diplômée de l’EPF et de l’Université des sciences appliquées de Munich, j’ai toujours évolué dans le monde de la robotique et de l’innovation technologique.
Après une première expérience dans l’événementiel et le numérique, j’ai fondé Hease Robotics, une start-up avec laquelle j’ai conçu et commercialisé plus de 50 robots, bornes d’information mobiles, produits à partir de composants « made in France » et industrialisés en seulement 18 mois.
J’ai ensuite rejoint CGI pour diriger la BU « Emerging Technologies », avec pour mission d’accompagner la transformation digitale de grands groupes industriels.
Depuis 2022, je suis à la tête de Proxinnov, centre technique dédié à la robotique industrielle.
Très engagée pour le made in France, la place des femmes dans l’industrie et le soutien aux start-up, je participe activement à plusieurs réseaux professionnels (EMC2, France Clusters, We Network, EVOLIS) et j’interviens aussi comme experte auprès de la Commission européenne sur les sujets de robotique, d’IA et d’interaction humain-machine.
Je crois profondément à l’importance de transmettre, fédérer et faire vivre l’écosystème. Ce qui me motive chaque jour, c’est cette convergence entre technologie, entrepreneuriat et intelligence collective : un trio essentiel pour bâtir une industrie française plus innovante, inclusive et durable.

 

En quoi Proxinnov est-il proche de Polepharma ?

Proxinnov et Polepharma sont deux réseaux complémentaires, chacun ancré dans son domaine et territoire, mais avec une réelle portée nationale.
Proxinnov, basé à La Roche-sur-Yon, dans les Pays de la Loire, et au Havre, en Normandie, fédère plus de 200 acteurs industriels - fournisseurs de solutions, intégrateurs, utilisateurs - et accompagne les entreprises, en particulier les PME et ETI, dans leur transition vers la robotisation. Nous proposons à ces « artisans industriels » un accompagnement sur mesure : diagnostic technologique, définition d’une feuille de route stratégique, conseil indépendant, et formation certifiée Qualiopi. L’objectif est de sécuriser les projets et de rendre la robotique accessible, quel que soit le niveau de maturité de l’entreprise.
Notre proximité avec Polepharma réside dans cette volonté partagée de structurer les filières industrielles, de créer des synergies concrètes entre acteurs et d’accélérer les transformations technologiques. Nous sommes convaincus que c’est en travaillant ensemble, en réseau, que l’industrie française gagnera en compétitivité et en résilience.

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre le Congrès Polepharma Industrie du Futur cette année ?

Tout est parti d’une rencontre avec Fabien Riolet, directeur général de Polepharma, lors d’un atelier de France Clusters. On a tout de suite accroché sur des valeurs communes : coopération, efficacité collective et envie de faire bouger les lignes.
Ensuite, le secteur de la robotique vit une grande transformation. Beaucoup de nos adhérents, historiquement liés à l’automobile, doivent se diversifier face à un marché en repli et une concurrence étrangère grandissante, notamment chinoise. La pharmacie nous est apparue comme une filière porteuse, en phase avec nos ambitions - notamment dans le cadre de notre implantation récente au Havre, en Normandie, territoire à fort ancrage pharmaceutique et cœur historique pour Polepharma.
Participer au Congrès Polepharma Industrie du Futur, c’est pour nous une chance unique de croiser les regards et les besoins. Nous voulons aider les entreprises du secteur à avancer vers la robotisation, et faire en sorte que nos réseaux s’enrichissent mutuellement.
Avec Polepharma, nous avons déjà coorganisé un webinaire pour nos adhérents, le 13 mai dernier, avec notamment l’intervention de Fabrice Azambourg, chez Yaskawa Robotique France, très actif au sein de nos deux réseaux. Notre objectif commun est clair : accompagner les PME et ETI dans leur modernisation face à une concurrence mondiale de plus en plus forte.

 

Sur quel sujet intervenez-vous et pourquoi est-il stratégique pour le réseau ?

Je participerai à la table ronde « Les robots tombent-ils malades ? » le 27 novembre, aux côtés de Sébastien Fauvel (Kenvue) et Cyril Demarthe (Cérimatec).
C’est un sujet passionnant car il permet d’aborder la robotique sous plusieurs angles : les aspects techniques (maintenance, IA, fiabilité), mais aussi les enjeux humains. Faire de la robotique, ce n’est pas juste installer une machine dans l’atelier. C’est accompagner les équipes, lever les freins, former, faire monter en compétence. L’humain est le point de départ comme le point d’arrivée de tout projet technologique. Cette vision, on la porte chez Proxinnov, et elle fait écho aux préoccupations de la filière pharma.

 

Quel est votre retour d'expérience sur l’adoption des technologies digitales en production pharmaceutique ?

La digitalisation progresse, mais à son rythme. L’industrie fait face à des contraintes réglementaires fortes et à des défis techniques importants. La pandémie a été un déclencheur : elle a poussé de nombreux acteurs à moderniser leurs outils et méthodes de travail. Mais le secteur reste prudent, ce qui est compréhensible étant donné la sensibilité des produits.
Des technologies comme l’IA, la robotisation ou l’exploitation des data, commencent à se déployer dans les ateliers, changeant peu à peu les pratiques. Mais la transformation reste inégale. La France a de solides atouts en recherche et en innovation, mais elle reste parfois en retrait par rapport à la rapidité des États-Unis ou à la dynamique asiatique, où l’industrie 4.0 transforme déjà en profondeur la production.
Le défi est double : moderniser sans compromettre la qualité, et rassurer. Car le médicament touche à l’intime. L’industrie 4.0 est une opportunité pour renforcer la confiance du public, à condition de bien l’expliquer, et de rester exigeant sur la conformité. C’est un enjeu à la fois stratégique, humain et d’image, au cœur de la transition en cours.

 

Quels sont, selon vous, les principaux défis et enjeux actuels pour la transformation technologique de la filière ?

L’automobile a grandi avec la robotique. Les constructeurs comme Renault fabriquaient même leurs propres robots. Cela leur a permis d’intégrer très tôt les technologies de l’industrie 4.0. Ce n’est pas le cas de la pharma, où l’approche a été différente : la priorité a longtemps été donnée à la qualité, à la conformité et à la confiance, au détriment parfois de l’investissement technologique. Le Covid a servi d’électrochoc, révélant notre dépendance aux productions hors Europe. Mais la réindustrialisation lancée depuis manque encore de vision stratégique globale.
Ce qu’il faut ? Un plan coordonné pour structurer une montée en gamme technologique à l’échelle de toute la filière : donneurs d’ordre, sous-traitants, territoires. D’autres pays (USA, Chine, Japon, Corée) l’ont fait en déployant des feuilles de route par filière pour pousser la robotisation et la digitalisation selon leurs enjeux propres. Si la France ne prend pas ce virage, la filière pharma pourrait perdre du terrain. Il y a urgence à faire de la transformation technologique un vrai levier de souveraineté et de performance.

 

En lien avec le thème de ce congrès, en quoi la digitalisation transforme-t-elle le laboratoire de Contrôle Qualité ?

Dans le laboratoire de Contrôle Qualité, la révolution 4.0 est en marche. La digitalisation ne se limite plus à alléger la charge de travail administrative ou fiabiliser la collecte de données : elle transforme le geste métier des opérateurs. Dans certains laboratoires, des robots peuvent aujourd’hui prélever, manipuler, préparer des échantillons avec une précision qui réduit les erreurs et améliore la traçabilité à chaque étape du processus. Résultat : plus de rigueur, mais aussi plus de temps pour que les experts se concentrent sur l’analyse des résultats, l’interprétation scientifique, et la prise de décision en interaction avec l'ensemble de la chaîne de valeur. Grâce à ces technologies et leur intégration en harmonie avec une stratégie d'entreprise, nous pouvons aller vers une accélération de la libération des lots, un renforcement de la conformité réglementaire et des réactions plus rapides en cas d'anomalie.

C’est une mutation à fort potentiel. Mais elle exige d’être vigilant sur l’intégrité des données, la sécurité et l’accompagnement humain, dans un environnement où la confiance du patient et des autorités, restent la priorité. Le laboratoire de demain doit devenir un carrefour d’innovation, conjuguant rigueur scientifique, technologies 4.0 et de nouvelles compétences, pour servir la santé avec un niveau d'exigence élevé.   

 

A votre avis, vivons-nous un changement de paradigme avec l’essor de l’intelligence artificielle ?

Oui, clairement. L’IA est en train de transformer l’industrie, et pas seulement grâce à l’IA générative. Le plus important, c’est de l’utiliser de façon stratégique, et pas juste parce que c’est à la mode. Par exemple, l’IA générative peut avoir un fort impact sur l’environnement et sur les conditions de travail. Dans un secteur comme la santé, dont le but est de protéger les personnes, on ne peut pas ignorer ces conséquences.
Mais l’IA ne se limite pas à la création de contenu. Elle change déjà des fonctions clés : des robots capables de voir, de détecter des défauts, ou encore de gérer des tâches complexes comme la palettisation hétérogène ; des outils de prévision des stocks ou de la production, par exemple en anticipant les épidémies grâce aux recherches en ligne.
Ces usages rendent l’industrie plus réactive, plus personnalisée, et plus moderne. Mais pour que cela fonctionne, il faut une vraie stratégie d’entreprise, un accompagnement adapté, et une adoption pensée à tous les niveaux : direction, métiers, terrain. L’IA ne doit pas être un gadget, mais un levier de transformation durable.

 

Quels sont les sujets d’intérêt, selon vous, sur le Congrès Polepharma Industrie du Futur ?

Le programme du Congrès Polepharma Industrie du Futur est particulièrement riche - et franchement, il ne faut rien manquer les 26 et 27 novembre prochains ! Deux jours intenses de conférences, d’ateliers, de rencontres et de networking, le tout autour d’un village exposants pour présenter les dernières « techno » et ancrer le concret.
Dès le premier jour, la Session 1 sur la culture de la performance en laboratoire promet de beaux échanges. La conférence sur le Lean appliqué au contrôle qualité, par exemple, remet l’humain au cœur de l’amélioration continue : c’est essentiel. On parlera ici d’amélioration continue, de production optimisée, mais surtout de conditions de travail intelligemment repensées.
Autre moment que j’attends particulièrement : la conférence sur l’application des pratiques industrielles au laboratoire pharmaceutique. Pour moi, qui viens de l’industrie, c’est l’occasion de mieux comprendre les ponts à créer entre ces deux mondes.
Parmi les ateliers techniques, impossible de passer à côté de l’atelier n°6 sur la robotique intelligente, l’IA et les financements publics. L’industrie 4.0 demande des investissements, mais la France propose de vrais leviers. Encore faut-il savoir où aller, avec qui, et comment. Chez Proxinnov, on accompagne aussi sur ces sujets pour garantir une roadmap réaliste et financée. Cet atelier va éclairer beaucoup d’acteurs.
Enfin, un autre sujet d’importance est la formation, avec une conférence dédiée à la digitalisation des parcours pour les techniciens de laboratoire. Le vrai défi aujourd’hui, ce n’est pas de remplacer, mais de former, fidéliser, et faire monter en compétence. La robotique ne supprime pas d’emplois, elle crée de nouvelles perspectives. Sur plus de 200 projets accompagnés par Proxinnov, aucun licenciement lié à l’automatisation.
Bref, un programme ultra dense, des sujets de fond, et surtout une vision très humaine et très concrète de l’industrie du futur. Vivement le congrès !

 

En quoi Polepharma est-il un acteur moteur dans l’Industrie du Futur ?

Polepharma est adhérent de Proxinnov ? Déjà, ça part bien. Mais au-delà du clin d’œil, un simple regard au programme du Congrès suffit pour être convaincu : intervenants de haut niveau, thématiques visionnaires… Avec Polepharma, l’avenir de l’industrie pharma se construit dès aujourd’hui !
Avec plus de 470 adhérents et près de 110 000 emplois représentés, ce réseau est un pilier structurant de la filière santé. Il ne se contente pas de rassembler, il fédère, oriente et dynamise. Et surtout, il sait s’entourer : la preuve, Proxinnov rejoint l’aventure cette année !
Premiers pas, premiers projets : un webinaire coorganisé, une présence remarquée au Congrès, bientôt des soirées réseau… Une collaboration qui démarre fort et qui s’inscrit dans la durée. Car construire l’industrie du futur, c’est miser sur les synergies, croiser les expertises, et faire circuler l’innovation à tous les niveaux.
Avec Polepharma, nous allons avancer ensemble, avec agilité, ambition… et une bonne dose d’enthousiasme. Ce n’est que le début !

 

Quels conseils avez-vous envie de donner aux entreprises du réseau ?

Ne partez pas seuls !
Un projet 4.0 ne doit jamais reposer sur une seule personne dans un bureau isolé. C’est un projet d’entreprise, qui doit embarquer tout le monde : les opérateurs, les managers, le Codir. C’est le seul moyen d’en faire un vrai levier de transformation.
Trop souvent, chez Proxinnov, on arrive en mode pompier sur des projets menés par un chef de projet sans relais terrain, juste validés par la direction « parce que c’est dans le budget ». Résultat : rejet, blocages, et parfois échec. Un robot seul dans un atelier ne fait pas une stratégie 4.0 !
La robotisation - et surtout pour une entreprise qui s’y lance pour la première fois, change tout : organisation, process, méthodes de travail. Il faut former, anticiper, écouter, et surtout bien s’entourer.
Faites-vous accompagner par des experts neutres, comme un centre technique en robotique. Avec nos 13 ans d’expérience, nous aidons les industriels à réussir leur transition - sans stress, sans surprise, et avec des résultats durables.

 

Qu’est-ce qui fera la différence à l’avenir ?

Ceux qui auront fait le choix d’aller vers l’industrie 4.0 avec un bon accompagnement auront une vraie longueur d’avance. Ils gagneront en efficacité dans la mise en œuvre de leur stratégie, et surtout, ils seront bien plus agiles pour faire évoluer leur outil industriel demain.

 

Qu’attendez-vous de cette édition ?

J’attends d’abord une belle mobilisation des entreprises du réseau Proxinnov. Et personnellement, j’ai surtout hâte de rencontrer les acteurs de la filière pharma. Polepharma a prévu de vrais temps d’échange et de networking, c’est l’opportunité idéale pour créer du lien et mieux comprendre les enjeux du secteur.
C’est une chance de pouvoir aller à la rencontre de l’industrie pharma. On travaille actuellement sur deux projets dans le textile, un secteur peu robotisé, où il faut manipuler des matières belles, fragiles, et pas du tout pensées pour l’automatisation. Ces défis nous poussent à imaginer des solutions nouvelles, et c’est exactement ce qu’on peut apporter à d’autres filières, comme la pharma.
En bref, plus on échange entre secteurs, plus on progresse ensemble. Et c’est tout l’intérêt de cette édition !

 

Propos recueillis par Marion Baschet Vernet

 

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Contact :
Marie-Flore Barreau - Responsable Performance Industrielle

marie-flore.barreau@polepharma.com